C’est le sujet du numéro de mai du magazine capital, relayé et même détaillé, sur son site Internet :
http://www.capital.fr/le-magazine/extras-online/extra-on-line-magazine-capital-mai-2009/region-par-region-les-revenus-de-nos-elus
Ce dossier est instructif, même si il comporte au moins 2 points qui me déplaisent :
- Certains chiffres donnés, notamment sur Internet (où le site quitte les figures nationales pour parler des élus locaux) sont faux ou incomplet. En effet, pour établir les rémunérations perçues par les élus dans le cadre de leurs fonctions, le journal additionne les montants auxquels ils ont droit. Or, il se trouve que dans les collectivités territoriales et notamment dans les communes et les intercommunalités, les indemnités versées sont bien souvent, sur décision même des élus, inférieures à celles autorisées. J’ai pu le constater en remarquant que plusieurs Maires de la Communauté de Communes ou je siège étaient cités et que le journal additionnait leurs indemnités potentielles de Maire avec celles tout aussi potentielles de Vice-Président. Le résultat abouti à leur compter une indemnité pour ces derniers poste de 1238 € par mois là où elle n’est en fait que de moins de 700 € nets… Si toute l’étude a été faite ainsi, cela laisse pensif…
- Le journal reprend clairement l’optique poujadiste classique du « ils sont trop payés ». Le ton général de l’article est dans la grande veine anti-parlementariste française, et débute d’ailleurs sur cette phrase prometteuse : « Pour critiquer les salaires des patrons ils sont unanimes. Mais eux, combien touchent-ils ? ». Je trouve cette approche choquante. D’une part tout travail mérite salaire et je ne vois pas à quel titre quelqu’un qui s’engage dans la vie publique, dans des missions difficiles, mettant ainsi bien souvent en sommeil ou au moins au second plan sa carrière professionnelle ne devrait pas être rémunéré. D’autre part, il ne me semble pas choquant qu’un élu, un Maire notamment soit indemnisé au niveau ou il l’est, en particulier lorsque l’on sait qu’en général, le niveau des indemnités des élus locaux est inférieur à celui des salaires des principaux cadres territoriaux. Enfin, est-il choquant que le Président de la République ou des Ministres perçoivent une rémunération d’environ 20.000 € par mois ? Lorsque l’on compare cela aux salaires pratiqués dans pour les 40 ou 50 plus grands patrons de notre pays, je ne trouve pas. Lorsque cela les place sous la rémunération des joueurs les plus « mal payés » de clubs comme le PSG, Lyon ou l’OM, je ne trouve pas. Au contraire, l’engagement public constitue bien souvent une volonté de servir la collectivité, volonté assumée au détriment de ses avantages matériels. Pour ne citer que deux exemples emblématiques, Christian Mer hier ou Christine Lagarde aujourd’hui n’avaient aucun intérêt financier à quitter leurs postes dans les entreprises privées qui les employaient pour devenir ministre. C’est le prestige de la fonction et le désir de servir le pays qui les a probablement amenés à faire ce choix.
Je trouve que d’un point de vue citoyen, un tel article aurait gagné à essayer de présenter la question de la rémunération des élus sous un jour équilibré plutôt que de vouloir surfer sur des thématiques qui ne font qu’exacerber le fond de commerce anti-parlementariste primaire développé en son temps par le général boulanger avant d’être repris avec un certain succès par Poujade dont l’un des Député est aujourd’hui devenu Président du Front National.
Jean-Philippe, le plus grave est l’absence complète de réflexion sur le statut d’un élu local.
L’élu local exerce son mandant à titre bénévole, c’est le code général des collectivités locales qui l’impose. Il ne perçoit pas un salaire, mais peut percevoir des indemnités qui compenseraient une perte de revenu provoquée par l’exercice du mandat.
Or tout le monde, les auteurs de ce dossier comme tous nos concitoyens, pensent qu’un élu perçoit un salaire, au titre d’une rémunération du travail accompli. C’est complètement faux, tout le monde se trompe.
C’est pourtant un enjeu important pour le bon fonctionnement des collectivités territorial. Les élus retraités ou fonctionnaires y sont surreprésentés, ceux qui viennent du monde du travail, du secteur concurrentil, y sont quasiment absent.
Ils y sont absents parce que dès l’exercice du mandat, le temps manque. Si l’élu salarié dans le privé exerce son droit à une décharge horaire, il perd le plus souvent plus en revenu qu’il n’en gagne en indemnités.
A la fin du mandat, il n’y a aucun dispositif pour se réinsérer dans le monde du travail comme un salarié ordinaire.
Il ne s’agit pas de comparer les indemnités des élus locaux avec les revenus de quelques grands patrons. Il y a plus de 3 millions d’entreprises en France, et à peine 1000 dépassent 1000 employés ou moins de 5000 sont à 250 employés et plus. Alors qu’il y a 550.000 élus dans les communes.
Le débat ouvert par ce journal est mal ouvert. Il aurait plutôt fallu mettre en exergue que le fond d’antiparlementarisme pousse les élus à adopter une posture nuisible, le plafonnement des indemnités à des valeurs qui rendent inaccessible la fonction d’élu à une grande part de la population.
Il eut mieux valu proposer de créer un statut d’élu local, rémunéré à la hauteur de la responsabilité qu’il exerce (et s’il exerce plusieurs mandats, la responsabilité et la rémunération sont divisées, c’est important) avec un dispositif de réinsertion en fin de mandat pour mettre à égalité les salariés du privé avec les fonctionnaires et les retraités.
Encore une fois, les exemples de célébrités sont contre productifs. Mr Mer ou Mme Lagarde ont fait des choix qui les honorent. Mais dans les 35.000 communes de France, les indemnités instituées aujourd’hui ne permettent pas de survivre. En citant 2 personnes emblématiques, on détourne l’attention de nos concitoyens de la question la plus importante: peut-on vivre en étant élu, élu local seulement?
Poujadisme est bien le mot…sans compter le tri opéré entre les différents édiles…voire les oublis…
Oui à un véritable statut d’élus, voila une véritable réponse aux questions.