François Malye, grand reporter au Point et Benjamin Stora historien et spécialiste de l’Algérie viennent d’écrire un livre que tous ceux qui s’interessent à la politique Française de ces cinquantes dernières années, à la décolonisation, à la guerre d’Algérie, à la peine de mort ou à l’itinéraire pour le moins tortueux de François Mitterrand ne doivent rater à aucun prix.
Sous le titre de « François Mitterrand et la guerre d’Algérie », cet ouvrage édité aux éditions Calmann-Lévy soulève une des faces cachées de l’ancien Président qui, sous la 4ème République, envoya à la mort 45 personnes lorsqu’il fut Garde des Sceaux dans le but principal de donner des gages aux « durs » du Gouvernement de l’époque.
A 40 ans, pour ce politique aussi brillant qu’ambitieux, peu importait que l’on coupe quelques têtes, si celles-ci pouvaient lui servir de marche pied vers de plus hautes fonctions…
Ceux qui n’auraient jamais entendu parler de cette partie de la vie de François Mitterrand découvrirons comment, lorsqu’il quitta le Ministère de la Justice en mai 1957, en pleine guerre d’Algérie, il afficha le bilan de 45 nationalistes guillotinés en 16 mois !
Une tête dans un panier tous les 10 jours…
Cet ouvrage est l’aboutissement d’une enquête de deux ans.
« Nous avons épluché minutieusement de très nombreuses archives, dont quelque 400 pages de comptes rendus des séances du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) de l’époque, celles du ministère de la Justice ou encore de l’Office universitaire de recherches socialistes et découvert des documents inédits ».
Révélation de ce livre donc le Ministre de la Justice du Gouvernement socialiste de Guy Mollet a laissé sans broncher couper les têtes des nationalistes algériens, qu’ils aient ou non du sang sur les mains. Les dossiers sont préparés à la Chancellerie et le Garde des Sceaux, Vice-Président du CSM, s’oppose à 80% des recours en grâce.
Pendant ces longs mois, François Mitterrand ne fait pas mystère de sa volonté d’abattre la rébellion.
La tendance de son vote au CSM ?
« C’était véritablement très répressif, c’est incontestable. Mais c’était la vision qu’il avait de l’Algérie, il pensait que c’était la meilleure solution », se souvient Jean-Claude Périer, seul survivant du CSM de l’époque.
Les auteurs ont aussi recueilli, en France et en Algérie, les témoignages inédits d’acteurs de cette période, comme l’historienne Georgette Elgey qui fut témoin des événements en tant que journaliste puis conseillère à l’Elysée à partir de 1982, et de personnalités comme Robert Badinter, Roland Dumas, Michel Rocard ou Jean Daniel.
Pour la première fois, ils ont accepté d’aborder cet aspect méconnu de la vie politique de François Mitterrand, qu’il refusera de renier.
Il fera néanmoins cet aveu plusieurs décennies plus tard: « J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là ».
« Ce que je voulais aussi, c’était entendre les voix des Algériens et cela a été la source de révélations extraordinaires. Ainsi, le frère d’un des guillotinés ou encore un ancien responsable du PC algérien se sont confiés. Ils n’avaient jamais parlé », assure Benjamen Stora. « Ce livre est aussi le croisement des paroles et des sources des deux côtés » de la Méditerranée.
Sous le même titre, un documentaire des mêmes auteurs sera diffusé sur France 2 le 4 novembre.