J’ai été sidéré par les débats de ces derniers jours, séquelles d’un rapport de l’Inspection Générale des Finances faisant lui-même suite aux annonces contenues dans le plan d’économies de François Fillon.
Pour faire simple, l’Inspection Générale des Finances explique au travers d’un volumineux rapport que la moitié environ des « niches fiscales », c’est à dire des réductions, déductions d’impôts et autres dispositifs permettant aux Français de payer un peu moins d’impôts en contrepartie de certaines dépenses ou investissements ne sont pas économiquement justifiés, sont « inutiles pour l’économie Française ».
Au titre des niches épinglées comme non efficaces figuraient, entre autres, celles liées aux emplois à domicile.
Bien sur, comme c’est à chaque fois le cas, une partie de la presse s’est emparée de ce rapport pour s’étonner que de telles niches ne soient pas aussitôt supprimées.
Talk-show, économistes et chercheurs, débats, auditeurs interviewés à l’antenne…
Face à cette double attaque à la fois médiatique et administrative, la plupart des élus ont alors essayé de botter en touche la question du maintient ou de la suppression des niches fiscales en expliquant qu’il convenait de ne pas agir dans la précipitation, ou encore que les conclusions de l’Inspection Générale des Finances n’étaient pas juste parce que telle niche fiscale jugée non justifiée par le rapport était en fait efficace, ou encore qu’il convenait de créer une commission pour examiner tout cela (ce qui depuis la Rome antique, comme le soulignait avec humour les auteurs d’Astérix, est le meilleur moyen d’enterrer un dossier).
Je suis stupéfait de ne pas avoir entendu sur les ondes des radios ou ailleurs qui que ce soit donner ce qui est à mon sens la seule justification des niches fiscales.
Les niches fiscales ne sont pas destinées à constituer un retour sur investissement pour un Etat.
Les niches fiscales n’ont pas pour objectif d’être « rentable ».
Au même titre qu’un service public, elles sont l’affirmation d’une volonté politique et la manière de mettre cette volonté en oeuvre, elles constituent l’exercice d’une politique publique.
Les déductions fiscales pour aider à la garde des enfants ne sont pas faites seulement pour des raisons économiques, elles le sont aussi et surtout pour permettre aux français de faire garder leurs enfants dans de bonnes conditions et ainsi soutenir la natalité.
Celles liées à la rénovation de maisons anciennes n’ont pas seulement pour but de soutenir certains secteurs d’activité, mais aussi de réduire la consommation énergétique. Elles sont l’application d’une politique écologique.
A l’inverse, aucune crèche n’est rentable : Faut-il les supprimer ?
La sécurité sociale n’est pas rentable non plus : Faut-il la dissoudre ?
L’enseignement aussi n’est pas rentable : Faut-il y le confier au seul privé non conventionné ?
Le maintient d’une armée également n’est pas rentable : Faut-il y renoncer ?
Les exemples peuvent être multipliées, mais par nature, l’utilité d’un service public ne se mesure pas en terme de rentabilité, sinon, il cesse d’être « public » !
Comment se fait-il que personne n’ait rappelé à tous ces censeurs cette vérité 1ère ?
Si une niche fiscale doit être supprimée, ce n’est pas pour des raisons économiques, mais pour des raisons de choix de développement ou de suppression d’une politique publique.
Comment se fait-il que le pouvoir politique ait à ce point renoncé devant le pouvoir économique ?
La République aurait-elle cessée d’être gérée et défendue par des élus pour être confiée à une caste de comptables ?
Je ne partage pas votre point de vue (ce n’est pas la première fois ).
Autant effectivement, sacrifier l’ensemble des niches fiscales sous la condition d’un retour hypothétique à l’équilibre des finances publiques, est -et de loin – un leurre; autant je pense qu’il est particulièrement intéressant en cette période de disette budgétaire de s’intéresser au sens des différentes « exonérations /déductions ».
Commençons par le début ! Il existe un principe budgétaire qui veut qu’à chaque fois qu’une niche fiscale ait été mise en oeuvre, une évaluation de son impact économique fasse l’objet d’une mesure annuelle, prompte à éclairer le travail des parlementaires siégeant en Commissions des Finances.
Ce travail est-il mené sereinement ? Non. Quel que soit le parti au pouvoir, les mesures ont été annoncés à grand renfort de publicité / médias, mais leur suivi n’est jamais à l’étude. Il en est vrai des exonérations sur les 35 heures (toujours actives), tout autant que la TVA réduite sur la restauration (qui rappelons le devait créer 60 000 emplois dans un secteur déjà très demandeur), ou de l’exonération de fiscalité sur les heures supplémentaires (alors qu’il me semble que nous manquons justement d’emplois, et qu’il vaudrait à mon sens mieux les répartir, plutôt que de les concentrer sur quelques ayant-droits) .
Le problème général, c’est que le parti au pouvoir cherchera nécessairement à « récompenser » son électorat par des mesures ciblées, quitte s’il le faut à complètement délégitimer l’impôt ou la taxe ciblés. Par exemple, l’impôt sur le revenu (IR) est frappé d’exonérations / déductions qui réduisent de moitié les recettes putatives. Idem, suivant que vous soyez dans une multinationale, ou dans une PME, vous serez assujetti à fiscalité d’autant plus conséquente que vous n’avez pas les moyens de vous payer les conseils d’un bon avocat fiscaliste.
Alors que faire ? Hé bien la première des démarches n’est pas de tousser face aux marchés, et de baisser étendard. Si la dette est un problème, soit on refuse de la rembourser (cas de l’Islande), soit on la rembourse en monnaie de singe en faisant jouer l’inflation (cas des Etats-Unis), soit on décide de faire payer les actifs et le reste de la population via la fiscalité indirecte.
En Europe, c’est cette dernière voie qui semble avoir la préférence de nos « élites », avec le succès que l’on sait auprès des citoyens (Grèce, Indignés d’Espagne, émeutes au Royaume-Uni,…). Jusque quand ? Quand vous êtes un jeune de 20 ans, comment accepter de devoir jeter 20 ans de votre vie à venir, pour des problèmes que vos « anciens » n’ont pas voulu voir (retraite,…) ? Qu’y a t’il à perdre à se révolter face à cela ?
La meilleure démarche me semble donc médiane :
1°) Faire des économies sur des politiques publiques les plus sujettes à caution (ex TVA sur la restauration qui coûte au budget de l’Etat entre 3,5 et 4 Mds d’euros par an, soit plus que le produit de l’ISF);
2°) Faire marcher l’inflation (Messieurs les banquiers centraux, arrêtez de penser au patrimoine des rentiers, et accessoirement au vôtre), notamment en autorisant la BCE a acheté des bons du Trésor des Etats européens (ce que font les Etats Unis sans vergogne) ;
3°) Et surtout montrer l’exemple d’en haut : plus de tailleurs payés sur le budget du Ministère de la Justice, de ventes du patrimoine public aux copains à des prix défiant toute concurrence, etc…