C’est avec plaisir que je vous invite à découvrir cette interview de Jean-Louis Borloo parue ce soir sur le site internet du journal « Le Figaro » et qui paraitra demain dans son édition papier
Borloo : «Nous allons recréer une force au centre droit»
INTERVIEW – «Après cinq défaites, il n’est pas interdit de se poser la question de l’organisation de la droite», explique l’ancien ministre.
LE FIGARO. – Quel sera le rôle du groupe UDI que vous présidez?
Jean-Louis BORLOO. – Ce groupe réunit des députés de centre droit, des indépendants, des républicains sociaux, des modérés. Cette famille de la droite sociale et du centre a toujours existé, mais elle était éclatée sur des lignes politiques différentes, parfois contraires, et dans de nombreux partis. Aujourd’hui, cette famille veut se réunir. C’est le début de la reconstruction à marche forcée d’un centre droit indispensable à notre camp.
Il y aura donc des suites à la constitution de ce groupe?
Forcément. Nos députés se sont réunis pour gagner en puissance au Parlement. Mais cela ne s’arrête pas là: ils se réunissent également pour recréer une force au centre droit, comme Valéry Giscard d’Estaing l’a fait il y a trente ans. Les grandes familles politiques, comme les grands clubs de football, ne meurent jamais!
Comment réunir un centre qui a passé dix ans à se fragmenter?
En étant clairs sur la ligne politique et les alliances. Pendant dix ans, une partie du centre droit a refusé d’avoir une alliance privilégiée avec la droite républicaine et cela a conduit à un échec politique. En l’absence de centre fort, la majorité sortante était univoque, unijambiste. La question des alliances est maintenant tranchée. À nous de constituer une opposition de reconquête, solide sur ses deux jambes.
François Bayrou a-t-il sa place dans cette famille?
C’est un problème de ligne politique, pas un problème d’individus. François Bayrou n’est pas sur la même alliance.
Qu’est-ce qui réunit les centristes?
Notre famille a pour vocation d’associer tous ceux qui sont préoccupés de l’efficacité économique, qui considèrent que l’on peut promouvoir la compétitivité et l’attractivité en étant attentifs aux préoccupations sociales. Tous ceux qui sont attachés aux territoires, à l’Europe et à une ouverture raisonnable au monde. Tous ceux qui sont convaincus que la responsabilité écologique est un levier de développement. Tous ceux qui sont très républicains – et courtoisement républicains. Un Français sur quatre se reconnaît précisément dans ces idées ; ils n’avaient plus de famille politique pour les représenter. Ça ne pouvait plus durer.
Que devient le Parti radical que vous présidez?
Il est partie prenante de cette construction. Mais tout le monde peut constater que le nouveau pôle ne peut pas avoir quatre ou cinq noms et autant de nuances. Il faut que, dans le respect des traditions de chacun, tout ceci se fédère. Sans aucun drame, comme nous avons réussi à le faire jusqu’à aujourd’hui.
Qu’est-ce qui vous distingue de l’UMP?
De quelle UMP? Il y en a tellement aujourd’hui! De l’UMP du débat sur l’identité nationale ou de celle de Nathalie Kosciusko-Morizet? L’UMP est traversée par une fracture idéologique profonde. Entre une droite modérée et une droite bonapartiste, jacobine, moins européenne. Quand j’avais lancé le plan de cohésion sociale, une partie de la droite avait rechigné. Idem avec le Grenelle de l’environnement. Mieux vaut deux familles, alliées mais en compétition, qui proposent un projet global qu’un parti unique, fracturé de l’intérieur, où c’est toujours la partie la plus à droite qui l’emporte, en faisant fuir l’électorat centriste pour le plus grand bonheur de la gauche.
Comment convaincre ceux qui prônent la réunion de la droite dans l’UMP?
Nous n’avons pas à les convaincre. La droite n’a pas perdu le Sénat, les régionales, les cantonales par hasard… Après cinq défaites électorales, il n’est pas interdit de se poser la question de l’idéologie et de l’organisation de la droite. Persévérer dans cette erreur mènera à de nouvelles défaites.
Le quinquennat se serait-il déroulé autrement avec un pôle centriste fort?
Je ne suis pas le seul à considérer que s’il y avait eu une relance sociale il y a deux ans, avec des arbitrages sur la formation et l’éducation, le sort du quinquennat aurait pu être tout autre.
Y a-t-il eu une droitisation du quinquennat et de la campagne?
Selon moi, l’erreur d’analyse remonte à 2007. Si Nicolas Sarkozy l’a emporté, c’est grâce à son extraordinaire énergie, son talent propre et quelques ruptures indispensables. Mais aussi grâce à la politique du gouvernement sortant, au fond assez centriste: maîtrise des comptes publics d’une part avec Thierry Breton, politique de cohésion sociale d’autre part que j’avais conduite. Résultat, la gauche ne parvenait pas à occuper le pôle centriste. Au lendemain de la présidentielle, certains ont cru qu’ils avaient gagné sur leur droite, sur la droite de la droite même. Cette erreur d’analyse s’est poursuivie pendant tout le quinquennat. Nicolas Sarkozy s’est posé la question du virage social à de nombreuses reprises. Lui le sentait.
Le bilan de Nicolas Sarkozy doit-il être soumis à un droit d’inventaire?
Chacun fera le sien. Personne ne pourra retirer à la famille modérée le droit de se reconstituer en famille politique.
La présidentielle de 2017 est-elle l’horizon de votre démarche?
Nous n’en sommes vraiment pas là! Notre premier défi, c’est de constituer une opposition qui sera vigilante et force d’initiative dans un contexte où le nouveau gouvernement n’a pas droit à l’erreur.