Alain Juppé, poil à gratter de la majorité ?
Je dois vous avouer que, comme je pense beaucoup de Français, j’ai assez longtemps méjugé Alain Juppé. Trop froid, trop rigide, trop énarque peut être… Et bien, peu à peu, au travers de ses déboires judiciaires ou il servit de “fusible”, puis de son exil canadien et surtout avec sa défaite aux législatives de 2002 qui entraina sa sortie du Gouvernement, c’est un homme politique que j’ai appris à redécouvrir.
Lorsque je dis “homme politique”, j’entends cette acception au sens noble du terme, c’est-à-dire quelqu’un de responsable et de dévoué à la chose publique, aux autres et plus encore dans son cas, l’un des esprits les plus brillants de sa génération dans notre famille politique.
Au-delà de ces qualités, Alain Juppé à surtout su, en apprenant de ses malheurs (ce qui est aussi une forme d’intelligence), fendre l’armure et se découvrir tel qu’il est vraiment, c’est-à-dire sympathique, doué d’un sens de l’humour certain et surtout, ce qui fait tellement défaut en politique aujourd’hui, capable de rompre avec la traditionnelle langue de bois où au mieux les combats à fleurets mouchetés pour donner son avis, même lorsque cela peut le faire passer pour un trublion, une sorte de poil à gratter…
Je note au passage que ses coups de gueule se font généralement au travers de son blog et donc du vecteur de communication politique essentiel qu’est devenu internet, ce qui lui permet de se positionner comme un homme en phase avec son époque (http://www.al1jup.com/).
Ces dernières semaines, Alain Juppé est ainsi intervenu très vivement sur la réforme territoriale, exprimant au grand jour ce qui inquiète nombres d’élus estimant que “c’était se foutre du monde” que de supprimer partiellement la taxe professionnelle.
Avant hier, Alain Juppé s’interrogeait sur son blog sur la pertinence d’un débat sur l’identité nationale : “Les définitions de la Nation sont nombreuses. Il me semble que celle qu´en a donnée Ernest Renan, dans sa très belle conférence du 11 mars 1882, reste indépassable”.
Il y cite Ernest Renan, qui écrivait notamment que “l´essence d´une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. Aucun citoyen français ne sait s´il est burgonde, Alain, wisigoth”, et estime que “tout est dit (…) A quoi bon relancer un débat ?”.
Dans ces deux cas, il ne s’agit pas d’être déloyal à sa famille politique, au Gouvernement ou au Président de la République (ce qui l’avait d’ailleurs amené à préciser et modérer son intervention sur la réforme des collectivités), mais bien de faire progresser le débat en l’enrichissant de son expérience, de son point de vue, quand bien même celui-ci serait parfois différent.
Comme quoi, en signifiant ainsi que la loyauté ne signifie pas l’aveuglement, que la critique, lorsqu’elle se veut positive n’est pas une attaque, Alain Juppé démontre qu’il est, un acteur essentiel de la vie politique nationale de notre pays qui a besoin de personnes libres.
