Pourquoi Marine Le Pen peut gagner ?
Depuis des mois je suis persuadé qu’en cas de second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l’héritière de l’entreprise familiale d’extrême droite française avait de réelles chances de victoire.
Trois jours après le premier tour de la présidentielle, cette crainte ne s’est pas amoindrie, bien au contraire et cela pour plusieurs raisons très simples :
1- Tout d’abord Emmanuel Macron, lorsque l’on enlève le vernis collé sur une opération de marketing politique unique dans l’histoire de notre pays reste l’héritier spirituel et politique de François Hollande, le Président le plus détesté et méprisé de la Ve République.
2- Il est l’un des principaux comptables de la faillite d’un quinquennat qu’il a contribué à « gérer », pendant deux ans et demi en tant que numéro deux de l’Élysée, puis pendant un an et demi en tant que Ministre du budget.
3- Emmanuel Macron est, peut-être malgré lui et peut-être de manière injuste, mais il est le candidat représentant la France qui va bien, la France des grandes métropoles, la France des banques, la France des médias, la France de l’establishment…
Face à lui, même si cela est totalement artificiel de la part de l’héritière des millions eux même hérités par son propre père, Marine Le Pen est arrivé à se faire passer pour la candidate du peuple…
4- Emmanuel Macron traîne derrière lui comme un boulet un premier, un second et un troisième cercle constitué de personnalités de gauche ayant participé au quinquennat et il n’arrive pas véritablement à l’élargir, en dehors de quelques prises de guerres sur des vieilles barbes et des has-been de droite et du centre.
Marine Le Pen peut incarner dans l’esprit de nombreux électeurs et en tout cas cherche à incarner celle qui a « tué le père », qui était lui un « vrai réactionnaire d’extrême droite »… Le pitch lepéniste aujourd’hui est en quelque sorte « elle a tué le père, elle n’est plus d’extrême droite, elle est la vraie droite »… C’est gros, mais ça peut marcher…
5- Il existe aujourd’hui (il suffit de lire ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux…) une colère, pour ne pas dire une fureur sans précédent d’une grande partie des électorats de François Fillon comme de Jean-Luc Mélenchon qui, l’un comme l’autre, pour des raisons différentes, estiment s’être fait « voler la victoire », leurs présences au 2nd tour par le système qui soutien Emmanuel Macron…
6- Contrairement à 2002 avec Jacques Chirac, quels que soient les consignes de votes données par les responsables des LR et de l’UDI, ou de celles non données par Jean-Luc Mélenchon, force est de craindre qu’une très grande partie de ces électorats ne veuille pas par défaut d’Emmanuel Macron, pire, qu’ils préfèrent voter pour Marine Le Pen.
De ce point de vue la gestion du soir du premier tour par Monsieur Macron qui criait déjà victoire, montait sur scène en faisant le « V » de la victoire avec sa femme à ses côtés avant d’aller dîner dans une grande brasserie parisienne comme le fit Nicolas Sarkozy en 2007 a été catastrophique…
Ces images sont de nature à donner l’impression que l’élection est d’ores et déjà jouée, c’est-à-dire à démobiliser une partie de l’électorat qui ne l’aime pas et n’a aucune envie de voter pour lui, pire d’exciter encore la colère qui s’exprime de ceux qui ne sont pas au second tour, une colère qui paradoxalement se porte plus contre lui, candidat des médias et du système que contre Marine Le Pen, candidate honnie du système…
7- En 15 ans les digues morales sont tombées les unes après les autres…
Il y a 15 ans, Jacques Chirac refusait de débattre avec Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui cela ne choque pas qu’Emmanuel Macron le fasse (pas plus d’ailleurs que l’ensemble des candidats toutes couleurs politiques confondues qui ont accepté de débattre contre elle au premier tour…).
Il y a 15 ans, l’ensemble des formations politiques donnaient des consignes claires et essayaient de mobiliser leurs électeurs. Aujourd’hui, une partie des LR joue avec les mots et Jean-Luc Mélenchon et la gauche radicale ne s’embarrassent même plus de ces circonvolutions sémantiques cyniques.
Il y a 15 ans, au défilé du 1er mai, les syndicats défilaient groupés avec un seul mot d’ordre. Cette année, ils défileront séparés, la CGT préférant commencer à « taper » sur le programme social libéral d’un Emmanuel Macron qu’elle voit déjà l’Élysée plutôt que de se mobiliser contre l’héritière du parti créé par Jean-Marie Le Pen et d’anciens SS.
Il y a 15 ans, la présence du candidat du Front National au second tour était un coup de tonnerre qui avait laissé la France avec une impression de terrible gueule de bois au matin du lundi 22 avril 2002 alors qu’aujourd’hui, depuis des mois déjà, la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle est attendue, acquise et normalisé… Son score relativement bas de 21 % constitue même un presque soulagement pour de très nombreux commentateurs qui s’attendait plutôt à l’avoir arrivée première entre 25 et 30 %…
Alors, parce qu’aucune élection n’est jouée d’avance -n’en déplaise à Monsieur Macron-, parce que, même si je n’ai aucune sympathie pour Monsieur Macron, que je n’ai aucune attirance pour le monde qu’il incarne et que nombre de ses propositions ne correspondent pas à ce que je souhaite pour le quinquennat, pour notre pays, mais parce que je fais une différence profonde entre un homme dont je ne partage pas les options mais qui ne mettra pas en danger la vie de mes enfants et une candidate d’extrême droite qui a développé un programme à la fois nationaliste et socialiste qui est l’héritière d’une famille politique qui jamais dans le monde n’a rendu le pouvoir lorsqu’il l’a pris, parce que je crois profondément que l’élection de l’héritière des courants de pensées maurassiens, petainistes et fasciste peut constituer un risque vital, au sens littéral du terme pour un certain nombre de celles et ceux qui habitent en France, je voterai sans hésiter, par raison, Emmanuel Macron.
Pour autant, dès aujourd’hui, je me projette dans le combat des législatives, qu’au soir du 18 juin, une majorité unie de droite et du centre puisse gouverner notre pays et lui donner la chance de connaître l’alternance et les réformes républicaines que seule l’alliance de la droite et du centre peut porter.